L’Italie, c’est super.
On y voit des trésors de la Renaissance, des Vespa qui font penser à Nanni Moretti, des façade autrefois majestueuses devenues pourraves, des prêtres en robe et des statues de gens super bien gaulés.
Mais surtout, en Italie, on mange MEGA BIEN.
Alors bien sûr, il y a les pizza de gueudin, les pâtes, les antipasti… Et je ne parle même pas des vins!
Mais un truc que j’aimais vraiment bien quand je mangeais encore des animaux et que j’avais une vie amoureuse suffisamment satisfaisante pour aller régulièrement en Italie, c’est les calamari fritti. Ils arrivent à les faire tellement légers, croustillants, aériens (alors qu’on parle de friture, quand même), et cette petite consistance mi moelleuse mi élastique du calamar au milieu… Ouah!
Depuis, j’ai arrêté de manger des morts et j’ai renoncé à l’amour, mais il n’y a pas de raison d’arrêter les calamars frits pour autant. En conséquence de quoi j’ai décidé d’adapter la recette en utilisant du pâté de konjac dont la texture évoque grave celle du calamar.
Ingrédients :
Pour le konjac « calamars frits » :
- 2 blocs de konjac (on en trouve dans les magasins asiatiques)
- 80g Farine de blé
- 40g Fécule de maïs
- 40g Panko (chapelure japonaise, pareil, allez en magasin asiat)
- Un yaourt de soja
- Des algues en paillette (ou des feuilles de nori que vous émietterez)
- De l’huile de friture
Pour la sauce tartare vegan :
- Crème de soja fluide ou semi épaisse
- Moutarde
- Une échalote
- Cornichons (4 ou 5)
- Câpres (disons 2 grosses cuillères à soupe)
- Persil plat
- Estragon
- Cerfeuil
- Huile neutre
Recette :
1. Le konjac
Commencez par égoutter le konjac.
Mh, pour ça il faut un évier libre. Donc en fait, commencez par faire votre vaisselle d’hier.
Ensuite, égouttez le konjac, rincez-le rapidement et coupez-le en tranches ou en bâtonnets.
Vous mélangez le yaourt de soja à un peu d’eau jusqu’à obtenir une consistance « pâte à crêpe ». Si vous ne savez pas ce qu’est une consistance pâte à crêpe, peut-être que vous n’êtes pas sur la meilleure recette pour commencer à cuisiner. Tocard.
Mettez le konjac dans un grand bol et recouvrez-le du mélange yaourt/eau.
Réservez-moi ça dans un coin, qu’on n’en parle plus pour le moment.
2. La sauce tartare vegan
Une sauce tartare, c’est un genre de mayo avec des herbes et aromates dedans. Du coup, bah pas de problème pour véganiser le tout en utilisant la même base de mayo que pour la salade de patates.
Normalement, dans une vraie sauce tartare, il n’y a pas de moutarde mais du vinaigre. Mais moi, j’en mets, parce que je trouve ça meilleur, alors voilà.
Donc : dans un grand bol, foutez-y 4 ou 5 cuillères de crème de soja, 2 grosses cuillères de moutarde, et fouettez en incorporant l’huile en filet. La mayonnaise vegan monte vraiment bien mais dans mon expérience elle a tendance à se re-séparer si on met trop d’huile. Du coup, je vous conseille de rester dans un ratio 1:2 entre la crème de soja et l’huile. Donc 10 cuillères d’huile pour 5 cuillères de crème de soja.
Ensuite, vous découpez finement les herbes. Idéalement, prenez l’estragon et le cerfeuil frais aussi, bien sûr, mais perso je n’ai pas trouvé car j’habite dans un quartier qui n’est pas encore complètement gentrifié.
Et le cycle de gentrification se fait comme suit, comme chacun sait :
Bref, du coup j’ai pris l’estragon et le cerfeuil en sec, mais je suis sûre que vous pourrez faire mieux.
Pareil, vous émincez très finement l’échalote, vous hachez les cornichons et les câpres.
Et voilà, ensuite vous regardez votre petite planche à découper avec satisfaction, en vous disant que quand même, il doit bien y avoir un concepteur à tout cela, et vous commencez à l’appeler « le grand horloger ».
Et puis vous mettez le tout dans la mayonnaise et vous mélangez bien.
Salez et poivrez le truc selon votre goût, et réservez au réfrigérateur.
3. La panure
Vous mélangez la farine, la fécule de maïs, le panko, et des algues en paillette.
Ensuite, vous installez votre petite station de panure, avec le konjac au yaourt d’un côté, le mélange algue-farine-panko au milieu, et une grande assiette de l’autre côté.
Je vous conseille assez fortement, comme sur la photo, d’utiliser des baguettes pour saisir les morceaux de konjac, les jeter dans la panure, et les ressortir. Sinon, au bout de 2 aller-retours dans les mélanges, vous allez vous retrouver avec les doigts complètement panés, et c’est à la fois pénible et un peu crade.
4. La friture du konjac
Encore une fois, un peu d’orga pour éviter d’en foutre partout, de vous brûler, et de paniquer une fois que vos calamars-konjac sont frits.
Mettez votre casserole d’huile à chauffer (ou votre friteuse si vous en avez une), et préparez une assiette tapissée de papier absorbant sur le côté, comme suit :
L’huile est assez chaude quand un petit morceau de panure lâché dedans remonte tout de suite à la surface en faisant plein de petites bulles.
A ce moment, vous placez les calamars – konjac dans l’huile dé-li-ca-te-ment, à l’aide de vos baguettes ou d’une araignée. Evitez vraiment de les mettre à la main en les jetant de trop haut, l’éclaboussure d’huile brûlante n’est jamais top top.
Les calamars – konjac sont cuits quand ils sont joliment dorés et que les bulles ralentissent fortement.
En gros, les bulles, c’est l’eau de ce qu’on fait frire qui entre instantanément en ébullition au contact de l’huile brûlante. Quand il y a moins de bulle, ça veut dire qu’il y a moins d’eau, et donc que les petites fritures sont cuites et ne se ramolliront pas à cause de toute cette vilaine flotte résiduelle une fois sorties de leur bon bain d’huile.
Une fois cuits, vous placez les calamars frits sur le papier absorbant, et vous les salez à ce moment.
Et voilà, c’est fini! Vous pouvez servir vos calamars – konjac avec la sauce tartare.
Vous avez le droit de faire une présentation marrante avec un petit cornet en papier pour faire comme à acqua e mais à Venise, mais l’essentiel c’est vraiment le goût et la texture.
En tout cas moi j’ai trouvé ça ouf, je rigolais seule en m’exclamant : « RHAHAHA je suis un putain de génie de la cuisine! ».
Vous verrez si ça vous fait pareil.
Le konjac c’est quoi?
C’est une plante qui pousse en Asie du Sud-Est, dont on mange le rhizome réduit en farine et ensuite constitué en bloc alors appelé konnyaku, ou bien en nouilles appelées shirataki.
On utilise les noms japonais parce que ça fait chic vu qu’ils sont super forts en storytelling du style « une pratique ancestrale au Japon est de se tartiner le cul avec du konjac. C’est hérité des samouraï du 16ème siècle et cela s’est perpétué au cours de cérémonies qui durent 20 heures, pendant lesquelles on joue de la musique minimaliste sur des tambours traditionnels de Hokkaido, et auxquelles les femmes et les hommes de moins de 57 ans n’ont pas accès ».
Mais en fait, le konjac japonais n’est quasiment pas exporté : ils ont énormément de normes et de taxes à l’export, et donc ici, on n’a que du konjac chinois. Je garde les noms en japonais néanmoins.
Une particularité du konjac, c’est de ne contenir quasiment aucune calorie, ce qui est étonnant pour de la nourriture, et peu intéressant pour Mike Horn, par exemple.
Comme depuis quelques décennies en Occident on s’emploie à minimiser notre activité physique et à bouffer le plus de merde possible, on est tous gros, et le konjac est donc devenu de plus en plus populaire, puisqu’il n’apporte pas de calorie, et qu’il contient un gélifiant (le glucomannane) qui tapisse l’estomac et coupe efficacement la faim.
Bon, globalement, je suis donc assez contente d’avoir fait une recette où on le pane et on le frit à l’huile, parce que sinon ce blog finirait par attirer les gens en recherche de conseils minceur, ce qui serait un sacré comble.
Alors ensuite, pour répondre à une question que plusieurs personnes m’ont posée : oui, apparemment c’est la même plante qui sert à faire des éponges à nettoyer le visage. J’avoue que là j’ai dû me référer à l’internet sans trop d’esprit critique, parce que dans ma salle de bain, j’ai 2 items, à savoir un savon et une brosse à dent.
Les pieuvres dans l’art
Froth a déjà fait un article assez cool sur l’intelligence des céphalopodes, donc je ne vais pas le répéter, je vous laisse voir ce qu’il a dit.
Moi, j’ai fait littéraire, alors je vais plutôt vous parler des céphalopodes dans l’art, selon le plan détaillé suivant :
- les pieuvres dans l’art pornographique japonais
- les pieuvres dans Bob l’Eponge
Je pense que ce sera assez exhaustif, je ne vois pas d’autre mouvement artistique.
1. Hokusai et les pieuvres
Ou plutôt Hokusai et LA pieuvre, car on va parler d’une estampe en particulier.
Bon, déjà, Hokusai, vous connaissez. Vous avez NECESSAIREMENT déjà vu La grande vague de Kanagawa, une estampe de 1830 publiée dans la série Trente-six vues du Mont Fuji, et depuis reproduite sur à peu près tous type de goodies, du t-shirt au puzzle 1000 pièces.
Petit détail cocasse, les Trente-six vues du Mont Fuji comptent en fait 46 estampes. Le mec était doué en dessin, mais probablement aussi peu compétent que moi en calcul mental.
Mais trêve de présentations, Hokusai nous intéresse ici pour une estampe antérieure à cette vague, datant de 1814, et représentant CECI :
Donc alors voilà, hum, il s’agit d’une femme, une pêcheuse de perles, a priori, en plein ménage à trois avec deux pieuvres.
Si si, y’en a bien deux, regardez, y’en a une petite qui lui roule une galoche et une grosse qui.. euh… qui est plus bas.
Allez comprendre, rien de tout cela ne se passe sous la mer, mais apparemment dans un paysage de montagnes, à une échelle un peu chelou. Soit c’est des toutes petites montagnes, soit c’est une pêcheuse super grande.
Alors outre la finesse du dessin, la subtilité des couleurs, l’équilibre de la composition, et le côté ultra bizarre du thème, cette estampe est aussi notable parce qu’elle est devenue probablement la plus connue des shunga.
Les shunga, ça veut dire « images de printemps », et ce sont des estampes érotiques japonaises relevant du style Ukiyo-e, qui se traduit par « images d’un monde impermanent ». Donc, en gros, si on veut comprendre tout cela grâce à des cercles concentriques, nous avons :
Du 17ème au 19ème siècle japonais, ces estampes Ukiyo-e, et les shunga parmi elles, sont ultra populaires et sont produites par de nombreux artistes, dans toutes les qualités et à tous les prix.
Elles ont non seulement une popularité et une longévité énormes en tant que mouvement artistique au Japon, mais elles se sont également exportés et ont beaucoup influencé des peintres européens comme Gauguin, Pissaro, Monet, Klimt, Van Gogh évidemment, etc.
Ce qui est marrant, ou tragique, selon votre vision du monde, c’est que là où on fait face à une forme d’art tellement aboutie, libre, et universelle qu’on l’a importée, reproduite, réinterprétée en Europe, eh bien à l’inverse, le fait d’entrer en lien avec l’Europe a poussé le Japon à tourner le dos aux shunga.
Ainsi, à l’ère Meiji (donc fin 19ème début 20ème) qui marque un tournant de l’isolationnisme vers une ouverture au monde du Japon, le Japon cherche à faire bonne figure face à des pays européens puritains et chiants, comme l’Angleterre victorienne où on se sape en noir, on déteste le fun, on fout les gosses au charbon, et on ne veut pas entendre parler de sexe, de pieuvre, et encore moins des deux mélangés.
Et du coup voilà comment à ce moment, le Japon bannit les shunga, censure à tour de bras, et c’est BIEN TRISTE.
2. Bob l’éponge et Carlo Tentacule
Non, je ne ferai AUCUNE tentative de transition logique entre l’art de l’époque d’Edo et Bob l’éponge.
Bah voilà, c’est juste pour dire que Carlo Tentacule (Squidward Tentacles en anglais) est trop stylé :
- Il se déplace à vélo alors qu’il vit sous la mer, ce qui montre un attachement au cyclisme que je ne peux qu’apprécier
- Il n’a que 6 tentacules au lieu de 8, parce que c’était plus facile à dessiner, selon son créateur
- Il est aigri, misanthrope, dégoûté par le monde médiocre dans lequel il vit (sans pour autant être tellement meilleur) horripilé par la bonne humeur bête de Bob et Patrick qui pensent pourtant quand même être amis avec lui
Bref, ce mec, c’est moi. Je le kiffe.