Bon sang ne peut mentir
Comme par hasard c’est une recette qui nous vient tout droit du Vietnam. (Comme quoi, ils font pas que des rouleaux de printemps et des Bo Bun pour New-Yorkais en cure de détox)
Je l’ai découverte dans l’excellent Que ceux qui aiment le cochon me suivent, un ouvrage écrit par l‘Amicale du Gras que je vous recommande chaudement.
Ca tombe bien, une des raisons pour laquelle je suis venu au monde (ainsi que pour les auteurs de ce livre visiblement) est de prouver par l’expérience que dans le cochon, on mange tout.
Et ça nous permet de lancer aussi cette nouvelle rubrique où on est censé tester (pour vous) des trucs étonnants ou immangeables et vous dire Ô combien vous êtes chanceux de ne pas l’avoir vécu.
On va ici s’occuper plus particulièrement du sang du cochon. La plupart d’entre vous ont déjà dû en manger sous sa forme coagulée. Un plat qui parait assez dégueu sur le papier, mais que l’on retrouve paradoxalement dans toutes les cuisines du monde…
J’ai recensé (et je peux vous dire que j’en ai chié, par ce quand on tape boudin noir + une région du monde sur Google, on tombe pas que sur des recettes de cuisine):
- Black pudding en Irlande et Royaume-Uni,
- Boudin noir en France,
- Blutwurst en Autriche et Allemagne,
- Sanguinaccio en Italie,
- Krovianka dans les pays slaves,
- Sängerete en Roumanie,
- Morcilla en Amérique latine,
- Bloempanch en Belgique
- Sundae en Corée (et chez McDonald’s)
Bref, pour un plat qui fait autant débat, je le trouve étrangement universel…
On va pas en faire des tartines non plus, puisque la fabrication du boudin noir fera l’objet d’un autre article. Non mais ce qui est BEAUCOUP plus trash dans ce flan vietnamien, c’est que le sang est consommé non coagulé. C’est à dire cru, bien liquide et bien rouge… YU-MM-YY.
Un plat d’Halloween donc, ou si vous devez recevoir des Emo ou des Gothiques à diner (envoyez vos photos plz). Et puis en plus ça tombe bien, ça va compenser un peu ce rouleau de printemps un peu trop végétalisé que j’ai mangé à midi. Par ce que comme vous allez le constater… en termes de végétaux, cette recette est plutôt light.
Ingrédients:
- abats de volaille: (foies, coeurs, gésiers)
- lard
- échalotes
- coriandre
- citron vert
- gingembre
- gelatine (6 feuilles par demi-litre) – elle est sous la coriandre sur la photo, si, si
- bouillon de porc
- sang frais de porc
- noix de cajou
Vous l’aurez compris, le plus dur pour réaliser la recette est de réunir les ingrédients.
Et bien entendu, vous êtes en train de vous demander où diable vous allez pouvoir acheter des noix de cajou. Et bien figurez vous qu’on en trouve chez Monoprix. De rien.
Par ailleurs, pour trouver le sang frais de porc: si vous êtes à Paris, vous pouvez le trouver vendredi et samedi en bouteille de 1,5L dans le 13, face à Tang Frères.
Le bouillon:
Bon, si vous n’avez pas de bouillon de porc, on peut commencer par cela. Un bouquet garni, deux trois morceaux de porc, si possible des os. Une carotte, ail, oignon ou échalotes, et à l’autocuiseur pendant 1 ou 2 bonnes heures. Tadaaaaa.
Sinon vous mettez deux tablettes dans un peu d’eau. Ca marche aussi. Mais en même temps, comme le bouillon c’est le seul truc bon dans cette recette, c’est un peu dommage de pas le faire.
Dans une grande poële faites revenir les lardons avec l’échalote.
Pendant ce temps là, débitez les gésiers, les coeurs et les foies en petits cubes.
Ajoutez les abats de volaille (sauf les foies) aux lardons puis le gingembre en tranche et enfin, les foies (vraiment rapidement). Voilà pour le fond du flan.
Prélevez du bouillon bien chaud et diluez-y les feuilles de gelatine que vous aurez préalablement faites tremper dans de l’eau froide (remarque, même sèches, dans le bouillon chaud, elles font pas leurs malines longtemps).
Laissez refroidir le bouillon, si c’est trop long, posez le récipient dans votre évier avec de l’eau glacée. Je comprends votre impatience.
Mélanger avec le sang. Vous devez prévoir suffisamment de bouillon et de sang pour recouvrir vos abats. Vous pouvez ajuster la quantité bouillon / sang. personnellement j’ai mis un tiers de bouillon et deux tiers de sang. Histoire de sentir le goût. C’est ici qu’il est important que les abats et le bouillon soient tièdes sinon vous allez coaguler votre sang.
Important: il faut gouter à ce stade car une fois que la gelée aura pris, l’assaisonnement ne pourra pas être rectifié. Si ça peut vous rassurer, le sang ne sera pas plus cuit dans 2 heures quand vous passerez à table… Voyez ça comme un entrainement.
Au fond d’un plat ou d’une verrine, disposez vos abats.
Recouvrez avec votre mélange sang/bouillon/gelatine. Laissez refroidir au froid pendant quelques heures, jusqu’à ce que la gelatine prenne.
Ensuite, disposez sur le dessus des noix de cajou, de la coriandre ciselée, et le jus d’un citron vert.
Respirez un grand coup, enfoncez fermement la cuillère jusqu’au fond, et c’est paaaaarti… et rappelez vous qu’au Vietnam c’est un plat de petit déjeuner et qu’on le prend avec de la vodka…
NB sanitaire: j’ai eu vachement d’appréhension à boire du sang de porc cru. On nous demande quand même de toujours le cuire, ce bon vieux cochon, et je ne vois pas pourquoi les oeufs de ténias ne pourraient se trouver dans le sang… Vous connaissez les cysticercoses ? C’est lorsque la larve du ténia ne nait pas dans votre intestin, mais dans un muscle, ou pire, dans votre cerveau, dans l’oeil, et je vous laisse imaginer la suite. Bon bref, si l’oeuf peut se retrouver n’importe où chez l’homme, c’est bien en passant par le sang non ? Donc il pourrait aussi passer dans le sang du cochon non ? J’en sais rien, en tout cas, ça me préoccupe.
Quelques menues recherches m’ont appris que le ténia et son oeuf crevaient à partir de 60°C ou 4 jours à -10°C ou moins. (tous les détails ici). je n’avais pas 4 jours devant moi, donc je me suis orienté vers la cuisson. Comble de chance, la température de coagulation du sang de porc est de 70°C (il y a vraiment tout dans le bouquin de Nathan Myhrvold). J’ai donc passé au bain marie mon demi-litre de sang à 65°C pendant deux bonnes heures. Il est resté parfaitement liquide (attention de fermer le contenant pour qu’il ne se dessèche pas) mais par contre la couleur a vachement foncé.
Cette histoire de couleur m’a un peu gêné donc j’en ai quand même aussi fait avec du sang frais non « déténiatisé » et encore bien rouge.
Verdict:
Bon premièrement, ce n’est pas bon. Mais ce n’est pas mauvais non plus, le goût n’a rien de fort. Mais c’est pas bon quand même. (Je clair ne pas Luc ?)
En fait, le sang n’a même quasiment aucun goût (on sent le goût du bouillon alors que j’en ai vraiment pas mis beaucoup). Du coup, on se retrouve avec des abats de volaille et des noix de cajou embourbées dans une sorte de flan un peu épais et collant. Le goût des abats l’emporte en tout cas très nettement sur celui du sang. Et avec la coriandre et le citron, on ne sent vraiment plus rien du goût du sang. Donc on s’enfile un peu un méga pot de sang à la petite cuillère. Une sorte de panacotta pour vampire. C’est surtout l’aspect qui n’est pas jojo pendant qu’on enchaine les cuillères… (oui par ce qu’en plus, déjà qu’au début c’est pas engageant, une fois que vous aurez tout remué, votre verrine ressemblera de plus en plus à un accessoire de Cannibal Holocaust). Mais à part ça, ce n’est pas bien terrible.
Bref, à faire si vous avez envie de pouvoir dire en arrivant au boulot « j’ai mangé du sang de porc cru tout le weekend, qu’est ce que je me suis poilé !« . Si cela ne figure pas dans vos objectifs de vie. Vous pouvez passer votre chemin.
Par contre, si vous avez l’occasion d’en manger (au Vietnam par exemple), payez vous le luxe de goûter pour impressionner la galerie, franchement vous verrez… ce n’est pas du tout fort et ça vous fera une profile pic à moindre frais pour infiltrer les forums Emo.
Bon et la question qui vous brûle les lèvres à tous, est ce que le sang à 65°C a un goût différent du sang parfaitement cru ? Non.
Je vous laisse, je dois aller acheter du vermifuge.
Bonjour,
Félicitations d’oser manger ce que vous avez fait.
Je souhaiterais rectifier quelque peu votre recette, traditionnellement le sang coagulé se fait avec du sang de canard, à défaut le sang de porc fera l’affaire.
Pour les ingrédients :
Gésier de canard ou poulet, viande qui vous a servi pour le bouillon, foie de porc ou de canard, celui de poulet n’est pas assez ferme, jamais de lard.
Il y a des herbes spéciales que l’on mets au dessus, je les connais, malheureusement, ne saurais vous dire le nom en vietnamien. à défaut menthe et coriandre.
Mettre dans une assiette creuse les viandes cuites coupées en lamelle et le lamelles en petits morceaux, style 2 mm d’épaisseur pour 1/2 de longueur et largeur,
D’abord filtrer le sang avec passoire fine ou chinois, Verser le sang sur les viandes en le mélangeant d’abord avec une c à soupe d’eau et de nuoc mam pour un litre et mettre au frigo, cela va coaguler tout seul. Le sang ne doit pas faire plus d’un centimètre d’épaisseur. Au cas où le sang acheté est déjà coagulé le passer au blender et filtrer.
Au moment de manger, mettre des cacahuètes grillées pilées dessus avec les herbes et manger en arrosant de nuoc mam mélangé avec du citron et du piment si vous aimez, sinon du poivre.
Avec aussi peu d’épaisseur et la sauce de nuoc mam dessus, vous verrez, c’est un plat très plaisant.
merci pour ces précisions ! savez vous où l’on peut trouver du sang de canard ? Il faut que je teste tout cela !
La « morcilla » (boudin noir) se mange aussi en Amérique Latine mais ça vient surtout d’Espagne… Il faut bien le préciser !